Fin avril 2017. Mandurah.


Je me réveille avec un flash, comme une illumination.

Une idée qui jamais au grand jamais ne m'a traversé l'esprit auparavant.

Une idée qui en théorie est à mille lieux de moi, de mon image, de mon voyage.

Une idée folle. Une idée sauvage. Une idée qui pourtant me transperce la tête de toute sa certitude.


Car ça y est, c'est déjà décidé, je vais acheter une voiture en Australie.

Je quitterai Perth sur 4 roues, et je vivrai le premier road trip "home made" de toute ma vie, en solo.


Après avoir traversé l’Australie en stop de l’est (Sydney) à l’ouest (Perth), je longerai toute la côte ouest australienne du sud au nord, direction les Tropiques où l’hiver n’existe pas.


Je suis tétanisée de frousse, et en même temps tremblante d'excitation.

Bien qu'ayant mon permis depuis des années, j'ai toujours tout fait pour éviter la possession d'une voiture individuelle : trop polluant, trop encombrant, trop engageant, trop bruyant, trop dépendant... À la place, je suis une mordue de marche à pied, de trottinette, de vélo, de transports en commun, de covoiturage, de train... Et de stop, bien sûr !

Or, je sais par ouï dire que la côte ouest est beaucoup moins peuplée que la côte est, que les villes sont peu nombreuses, que les routes sont peu fréquentées. (Eh oui, l’Australie n’est habitée que sur 1% de son territoire, dont la population se concentre à 91% dans les grandes villes..)

Bref, ce ne serait pas raisonnable de faire du stop. Ce serait compliqué et terriblement limité de voyager en bus. Hors de prix et ultra touristique de partir avec un tour opérateur.


Je me demande un temps si je ne ferais pas mieux de trouver des gens ayant déjà la voiture et cherchant un.e travel mate, mais mon cœur est très clair : je voyagerai seule, dans mon propre véhicule, et serai responsable de mon voyage.

Je le sais, je le sens, ce sera aussi dur qu'intense. Mais les apprentissages et la maturité se vivent et s’obtiennent généralement au travers des rudes expériences. Et c'est ce que je recherche. Alors j'ai confiance.


Le premier challenge, rapidement, s'impose : quelle voiture choisir, et comment ?

Camper van ? Citadine ? Break ? 4x4 ? Diesel ou essence ? Automatique ou manuelle ? Opter pour la sécurité en achetant à un australien ou pour le confort d'acheter une voiture déjà toute équipée pour le voyage à un backpacker ? Quelle limite se fixer pour le kilométrage ? Et pour l'année ? Et pour le budget ? ET QUID DE L’ASSURANCE ?!

Argh. 


La plupart des backpackers roulent dans des cercueils sur roues dont ils ne prennent aucun soin, j'en ai été malheureusement témoin. D'ailleurs, la plupart des véhicules de backpackers à vendre le sont souvent à l'issue de réparations trop nombreuses et trop coûteuses, et sont par conséquent des nids à (mauvaises) surprises.

Si je ne veux pas me retrouver coincée avec une panne dans le bush, où toute intervention est facturée 2000$ minimum dans les endroits les plus isolés, je dois m'assurer de la fiabilité de la voiture... Mais comment ?

Les garagistes aussi sont, pour certains, infects. Si vous leur demandez de vérifier l'état d'une voiture avant de l'acheter, ils développent une ingéniosité vicieuse à repérer un million de problèmes pour s'assurer une grosse journée de travail sur le véhicule en question, quel que soit son état.

Mais je choisis de renoncer à m’inquiéter, et démarre mon plan d'achat méticuleusement, éclusant tous les backpackers pour y collecter les annonces de voitures et y postant la mienne. En parallèle, je crée une alerte sur GumTree, le site de petites annonces, et je m'inscris sur tous les groupes Facebook de ventes de voitures à Perth, ou de backpackers à Perth.


En une demi-journée, mes craintes sont confirmées : je me sens déjà débordée par la montagne de choix, et désarmée face à mon incapacité d'évaluer ce dont j'ai besoin.

Après un coup de fil avec mon cher ami Phil, une première hésitation est levée sur le modèle de voiture : pour Phil, si je veux aller partout (sable, eau, graviers, boue), il me faut un 4x4.

Je n'ai jamais conduit de 4x4 ce véhicule conspué pour la pollution qu'il génère, réputé aussi pour être un gouffre financier, depuis l'achat à l'entretien en passant bien sûr par la consommation de pétrole. 

Mais je fais confiance à Phil, en me disant que s’il y a bien un endroit où rouler en 4x4 est pertinent, c’est bien sur la côte ouest australienne.

Et puis l'avantage, c'est que le choix se restreint instantanément et drastiquement.


J'envoie dans la foulée des messages aux propriétaires de 4x4 à vendre que j'ai repérés sur les groupes Facebook.

Au moment d'envoyer un message au propriétaire d'un Mitsubishi Challenger, j'ouvre des yeux grands comme des soucoupes…. on a trois amis communs sur Facebook ?! Et les amis communs en question sont... Daphné, Madeleine et Héloïse, trois de mes cousines. Hallu.

Dans mon message indiquant mon intérêt, je glisse un : "et comment connais-tu mes cousines ?"

La réponse ne tarde pas, et cette fois, c'est ma mâchoire qui tombe par terre : "Ce sont mes cousines aussi !"

Jean-Lucas est cousin du côté paternel, et moi du côté maternel. On ne s'est jamais rencontré, mais ma sœur Cécile l'a gardé quand il était petit, dans la maison familiale de « Papioka et Mamika ».


Jean-Lucas est un vingtenaire adorable, poli, responsable, sérieux, sympa. Il a acheté sa voiture à un australien (donc pas d'historique poisseux) ET il l'a aménagée et équipée lui-même (donc pas de galère en vue pour tout équiper).

Sans surprise, j'y vois l'évident signe que, ça y est, j'ai trouvé ma voiture que j'attendais... et qui m’attendait.

Jean-Lucas me raconte que depuis plusieurs semaines, il cherchait en vain à vendre sa voiture, qu’il accumulait les faux-plans de la part d'acheteurs prétendument intéressés, qu’il perdait du temps, de l’énergie, le moral. Alors qu'il commençait à désespérer, sa coloc l'a, un soir, réconforté : "ne t'inquiète pas, si tu ne peux pas la vendre maintenant, c'est parce que le ou la futur.e propriétaire n'est pas encore prêt.e, alors sois patient."

Bim. Dans le mille.


Je rencontre dès le lendemain mon cousin par alliance à l'autre bout du monde, et j'achète sa voiture les yeux fermés, trois jours pile après avoir eu l'idée de road trip.

Je découvre la voiture : un monstre. Une grosse caisse noire massive aux angles sévères juchée sur des roues immenses et surmontée d'un snorkel impressionnant (une cheminée qui protège principalement le moteur lors d’utilisation tout terrain)

On passe la fin de journée ensemble avec Jean-Lucas : pique-nique sur la plage préparé par bibi, bain de mer, coucher de soleil... Puis je ramène Jean-Lucas chez lui, où on s'occupe des papiers.

Sur le chemin de retour "à la maison", seule dans cette grosse bagnole, je suis très impressionnée et me sens comique, avec ma petite robette, mes petites gambettes et ma chevelure de blondinette.


Nous allons désormais voyager ensemble avec ce mastodonte, alors je décide de baptiser cette nouvelle travel mate... GaïaTree.

Je n'ai encore aucune idée de ce qui nous attend elle et moi, mais une chose est sûre :

"Les dés sont jetés".


Yallaaaaaaaaah !!!