C'est le milieu de l'après-midi, je suis surexcitée et remontée comme un coucou, et en parlant de coucou, je me dis qu'on pourrait essayer de frapper à la porte de ce cottage si mignon... Et demander l'hospitalité pour le soir-même ? 
J'en parle à Maÿlis. Maÿlis me fait confiance. Maÿlis est partante.
On frappe. 
Je révise mon vocabulaire pour faire une belle phrase dans un beau sourire à la mamie esseulée et sans doute effarouchée qui va nous ouvrir. 
La porte s'ouvre. Et là... Surprise. 

Un grand mec costaud, vaguement roux, clairement poilu, en chaussettes, la bière à la main et l'air hagard, nous ouvre. 

Il y a bien une mamie qui vit ici. Mais elle est absente cette semaine, et c'est son petit-fils, Keith, mon âge ou à peu près, qui squatte la maison de la grand-mère et noie visiblement son ennui dans la bière. 

"Euh, we are two French sisters, we are traveling and we are looking for a couch to sleep on for tonight. We have our sleeping bags, our towels..."

Le mec nous regarde d'un air toujours hagard, ne manifestant aucune surprise et n'exprimant aucune question. 

"OK. Come on in."

On hallucine. 

... Et on rentre. A gauche, un salon sur le sol duquel jonchent de nombreux cadavres de bière. A droite, une porte que notre hôte ouvre et qui donne sur...

Pincez-moi, je rêve. 

Je regarde Maÿlis, qui fait la même tête ahurie que celle je dois être en train de faire. 

Keith vient d'ouvrir la porte sur une grande chambre à la moquette propre, épaisse et confortable, aux papiers peints clairs et frais, décorés par plusieurs aquarelles toutes plus bucoliques les unes que les autres. Une grande fenêtre sur la droite permet au soleil d'illuminer la pièce et donne sur le magnifique paysage aperçu en arrivant. 

La pièce contient également un coin salon avec un joli canapé, une tablette à laquelle il ne manque que quelques fleurettes. 
Et, surtout, last but not least, sur notre gauche, contre le mur... Deux lits simples, propres et prêts, avec chacun sa table de nuit, son napperon, sa lampe de chevet. 

On reste bouche bée tandis que le gars referme discrètement la porte pour nous laisser nous installer. 

Welcome in Glenelg. 

Tel est le nom du bled où nous venons d'atterrir, et à la rencontre duquel nous allons après menue installation. 

RV est pris avec Keith à 19h pour le dîner. Ce sera Bibi aux fourneaux, avec un bon repas (végan of course) pour le remercier. 

Avec entrain, nous fonçons vers le petit pont que j'avais "spotté" depuis la voiture. Nous traversons la lande avec cette sensation d'avoir pénétré l'intérieur d'une carte postale... et nous arrivons dans le bourg de ce minuscule village, qui compte une centaine d'âmes à l'année, des toilettes publiques, une épicerie déjà fermée, un bar encore ouvert et... et c'est à peu près tout. 

On vadrouille un peu. Sur l'affichage public est annoncé un concert traditionnel (wahou !) le lendemain soir (wahou !!) dans une ville voisine (wahou !!!) qui se situe en fait à une bonne trentaine de kilomètres de là. (Pas wahou, tant pis.) 

Direction le seul point d'animation du village : le Glenelg Inn. A savoir : le bar.  

Je commande mon verre d'eau avec quartier de citron, Maÿlis commande une bière et... Ah ben merde alors, on a été repérées par nos voisins de comptoir qui sont français et viennent nous taper la causette. Ils viennent de Marseille dont ils fuient l'été caniculaire tous les ans pour se rendre en Ecosse, depuis 30 ans ! Ah ben, elle est pas banale, celle-là !

Ils sont gentils, nous racontent un peu leurs vacances, nous recommandent d'aller sur l'île de Skye en face... 
Je finis quand même par m'éclipser direction la terrasse du bar, où je me retrouve seule avec Liam, le jeune cuistot du Glenelg Inn, qui prend une pause clope. On commence à discuter. Maÿlis nous rejoint. 

Trente minutes plus tard, la moitié du Glenelg Inn est sur la terrasse avec ma frangine et moi comme attraction principale. 
Nos interlocuteurs composent un crew hétéroclite d'écossais du cru, de tous âges, certains bossant, certains végétant chez leurs parents, certains ayant eu du succès, comme Chris, ancien patron du Glenelg... Que des mecs. 

Oups, il est quasiment 19h, bientôt l'heure de filer pour aller faire ma Maïté végane de 57 kilos. 

Donald, l'un de ceux qui a un accent quasi imbitable, nous donne rv le lendemain à 17h au bar. Je ne comprends rien au reste de son propos, qui doit faire mention du programme. Je comprends juste qu'il a une chambre d'amis et qu'on dormira chez lui, pas de souci. Cool. 

En quittant le Glenelg Inn, nous déroulons avec Maÿlis le programme du lendemain : courses à l'épicerie pour un pique-nique sur l'île de Skye. Journée à visiter l'île. Retour pour 17h au Glenelg Inn. Programme surprise. (Sans doute un verre avec la même bande). Et nuit chez Donald. 

"Il ne nous manque plus qu'un programme pour le petit-déjeuner !", remarque-t-on ensemble. 

"Claire et Maÿlis !"

Nos noms hélés sans accent ne laissent planer aucun doute sur l'identité de ceux qui nous interpellent. Banco ! Ce sont les deux couples français de tout à l'heure qui nous ont aperçues depuis le perron de leur maisonnette de location. 

"Ca vous dit de venir prendre le petit-déjeuner à la maison demain matin?"