Jeudi 23 février, Riverside. 

"Hey Claire ! Where about are you now? I am in Motueka but I'm going to the West Coast tomorrow."

Sans blague ? Cela fait 5 jours que je suis à Motueka, à Riverside. 5 jours que j'attends vainement une réponse de Tui pour y faire du wwoofing et assister aux cours de permaculture. 5 jours que je suis en mode relax et chill out en allant du lac à la rivière, de la rivière au lac, que je profite de la connexion Internet, des copains, du soleil et des nuits tranquilles dans la chambre de Max d'abord, puis dans la "tente d'amis" de Sam et Eugénie. 5 jours que je végète un peu et commence à trépigner en "attendant" la suite. 

La veille de recevoir ce message, je commençais à me dire qu'il fallait peut-être que j'arrête de me focaliser sur cette seule piste de Tui qui, peut-être, n'était finalement pas la suite de mon voyage, et que je ferai peut-être mieux de profiter de ma dernière semaine pour aller me balader sur la West Coast apparemment si belle.  

Et voilà que mon pote espagnol Inigo, rencontré aux Hokua Falls à côté de Taupo, et revu à Luminate, vient de m'envoyer un message pour m'indiquer qu'il est dans la même ville que moi et est sur le départ pour la même destination que moi. 

Boum. 

Je l'appelle direct, surexcitée. Le lendemain midi, nous déjeunons ensemble à la caravane de Sam et Eugénie chez qui je "campe" dans la tente d'amis depuis 3 jours. Nous déjeunons tous ensemble avec Eugénie, Kera, Inigo et... Kaito, un buddy japonais qui va l'accompagner dans son voyage sur la West Coast. 

Flûte, ça veut dire que mes plans sur la comète, où je me voyais déjà profiter du lift et descendre avec lui dès le jour-même tombent à l'eau. Enfin... pas tout à fait. 

On déjeune tranquillement, partageant notamment nos vies depuis Luminate et réalisant qu'on se sent tous les deux un peu embourbés dans la Golden Bay et qu'on se sent appelés par la même fameuse West Coast. Inigo est un type simple, bien élevé, ouvert, généreux, adorable. J'ai bien envie de faire un petit bout de chemin avec lui. 

Et voilà bientôt ce qui est convenu : la voiture d'Inigo étant aménagée avec un couchage à l'arrière, impossible de prendre plus d'un passager. Mais il va prendre une de mes valises pour me permettre de les rejoindre tranquillement en stop le lendemain. Nous évoquons la destination de Rotoroa, auprès du lac, où il y a un camping pas cher. Inigo a une tente en rabe où je pourrai dormir, et Kaito repart en stop à Motueka le dimanche puisqu'il bosse dans l'apple picking lundi, donc on pourra poursuivre ensemble le trip. 

Le lendemain, je flotte un peu. Je passe ma matinée à tenter vainement de modifier mon visa avant de renoncer, puis de modifier mon billet d'avion... il fait un temps splendide, je déteste avoir passé autant de temps sur l'ordi, je fais tout lentement et assez inefficacement, j'ai manifestement du mal à partir. L'effet "5 jours passés au même endroit" sans doute ! 

Au campement, j'aperçois Sam qui me fait une proposition : Eugénie est en ville avec les enfants, il doit passer lui filer quelque chose puis monter, pour son boulot, tout en haut d'une des plus hautes montagnes de la région au sommet duquel se trouve une énorme antenne télécom. Apparemment, la vue y est splendide. Il est 14h, je viens tout juste d'étendre mon linge propre, je n'ai pas fait mon shampoing, je n'ai pas déjeuné, je ne suis pas encore allée me baigner une dernière fois au lac comme on s'était dit avec Kera, et bien sûr mes bagage ne sont pas faits. Et Sam part, dernier carat, à 14h30. 

Je n'ai pas pu faire mes aux revoirs à Eugénie ce matin, donc je dis oui sans hésiter et me précipite sur mes bagages puis à la cuisine pour me préparer une salade. A 14h27, on est partis, après des adieux mignons et sommaires avec ma chère Kera. 

Une heure plus tard, et malgré le temps qui m'est compté, j'accepte la proposition de Sam de m'emmener au sommet du Mount Campbell qui domine la vallée. Au bout de 40min de grimpette en 4x4, on arrive au sommet, à plus de 1000m de haut. La vue est à couper le souffle. Un petit pique-nique, de grandes discussions, et quelques photos plus tard, on redescend gentiment dans la vallée où Sam va me déposer direction Tapawara. 

Il est près de 18h, ce qui est très tard pour partir en stop. Il y en a pour 1h30 environ en direct pour aller à Rotoroa, un peu moins. Mais il y a des chances que je doive prendre au moins deux voitures. Et la dernière portion du trajet est une petite route de 11km pour rejoindre le lac, qui ne doit pas être massivement fréquentée. Et je n'ai aucun message de Inigo m'indiquant exactement où il se trouve. Bref, je sens venir le petit trajet épique qui vaudra bientôt son pesant de cacahuètes.

Je ne croyais pas si bien dire. 

Il est 18h30, je suis toujours à l'intersection pourrie où m'a laissé Sam : quand je suis du bon côté de la route, je suis invisible pour les voitures qui vont dans ma direction, et elles ne peuvent pas vraiment s'arrêter. En face, il y a une grande plateforme où les voitures peuvent facilement s'arrêter et d'où les voitures qui viennent de Motueka peuvent me voir avant le virage. Mais je constate vite que les voitures ne comprennent pas que je vais bien dans leur direction et ne comprennent pas davantage que je me suis mise de l'autre côté de la route pour leur permettre de s'arrêter en toute sécurité. 

Plus de 30min à faire du stop, c'est un de mes records. Il y a quelque chose qui ne va pas, il faut que je change quelque chose quelque part. Dans mon attitude, dans ma position, dans mon programme, je ne sais pas encore. 

Mais bientôt, un gars s'arrête, blond, dreads, la cinquantaine, je le reconnais, je l'ai déjà vu à Evolve Festival, à Nelson, le mois dernier. On discute une dizaine de minutes, Manu va dans l'autre sens mais s'est arrêté pour me conseiller d'aller un peu plus loin, où le spot est meilleur. Il va à une party d'anniversaireS mais me laisse son numéro au cas où je suis toujours en galère quelques heures plus tard. Sympa. 

Hop, 200m plus loin, en effet, après un nouveau virage, une plateforme du bon côté de la route et au moins 100m pour me voir et s'arrêter. 

Boum, 5min plus tard, un Van rouge s'arrête. Au volant : Nico et Suzanne. Nico est grec mais a vécu toute sa vie en Allemagne, où il a eu deux enfants avec sa femme Suzanne. Ils arpentent la Nouvelle-Zélande et l'Australie pendant 4 mois de vacances avec le rêve de s'y installer en fin d'année "pour toujours". Nico a vécu une année en France, à Valenciennes, quand il avait 15 ans, et il parle encore français, super bien, je suis épatée. Je "fais l'effort" de parler en français car je sens qu'il apprécie de pouvoir pratiquer et que c'est grâce à ça qu'il peut toujours tenir une discussion 30 ans après. Suzanne comprend plus ou moins mais ça roule quand même. 

Accrochés à leur appli CamperMate, Suzanne et Nico font encore deux stops recommandés sur la route par CamperMate : le swingbrige et un lookout. Ils ont une "vague idée" d'où ils vont dormir le soir mais sont "très flexibles". Je leur recommande direct le camping où doit se trouver Inigo, au bord du lac de Rotoroa. Eh bien... Ils sont partants ! Magnifique. Nous voilà donc tous les trois en route pour Rotoroa. C'est juste parfait. 

Pendant le trajet, j'essaie de joindre Inigo par tous les moyens. Et finis par me faire une raison : mon téléphone, pour une raison que j'ignore, ne veut plus émettre. Rien du tout. Depuis que j'ai quitté Riverside, je ne reçois plus rien et ne plus plus rien envoyer. 

Mais même avec le téléphone de Suzanne, impossible de le joindre. Comme d'habitude dans ces conditions, je prends la ferme décision de ne pas m'inquiéter. 

Le voyages jusqu'à Rotoroa se déroule joyeusement, malgré l'attente fébrile de la réponse d'Inigo. Finalement, merci CamperMate, on arrive à trouver le camping sans difficulté. Sur place, aucun réseau, ceci explique peut-être cela ?  

Néanmoins... aucune trace d'Inigo sur le camping. C'est le pompon. Et la nuit tombe. Vite. 

A chaque problème sa solution, parfois miracle. Et en l'occurrence, une tente était fournie avec le Van que Nico et Suzanne ont acheté. Ils ne s'en sont jamais servis encore et ils me proposent très simplement de l'inaugurer le soir-même. Et m'invitent à dîner. Et me préparent un plat végan. 

Boum. Me voilà toute surprise, chouchoutée et pleine de gratitude. 

Quelques dizaines de minutes plus tard, on dîne ensemble. Ils ont du riz, du quinoa, des petits légumes, et j'y ajoute des feuilles de blettes de Riverside. On se régale. 

Après une toilette au lavabo (adieu les douches chaudes pendant un bon petit moment, je pense !!), je m'effondre de sommeil et m'en vais dormir dans la tente. Nuit bien agitée à me réveiller toute ankylosée une dizaine de fois et à me re réinstaller. Prochaine nuit, je prendrai le temps qu'il faudra pour veiller à ce que mon couchage soit le plus confortable possible avant de m'endormir. Je me le promets. 

Une nouvelle journée commence. J'entends dehors les milliers d'oiseaux qui m'enchantent, au sens propre comme au sens figuré. J'entends également les nuées de millions de sandflies dont un petit échantillon s'agglutine actuellement contre la moustiquaire, ce qui ne me donne pas du tout envie de sortir de la tente. J'entends enfin du mouvement du côté du Van de Nico et Suzanne, qui doivent être réveillés désormais. 

Il me reste, en provisions, juste ce qu'il faut pour petit-déjeuner et déjeuner. Objectif de ce matin : profiter du lac et des environs. Objectif de cet après-midi : retrouver Inigo, où qu'il soit. Objectif de ce soir : on the road again, alors m'offrir ma première soirée de voyage en van depuis longtemps et en faire un beau moment. Objectif de cette nuit : bien dormir ! 

Allez debout !