Prologue

Été 2016. A défaut de "gagner ma vie" en contribuant à un système juste, sain et durable, j'ai récemment pris la décision de consacrer du temps à aider des business qui, eux, s'inscrivent dans cette logique, sous forme de dons ou d'échanges. 

Pendant plusieurs semaines, je nourris ce désir et cette intention et tout d'un coup, tout arrive. Je suis devenue conseillère en organisation, positionnement, stratégie, image et relations publiques pour plusieurs formidables personnes.   

Un soir, mon amie Justine Caulliez, excellente praticienne et enseignante en communication non violente que justement j'accompagne, me dit qu'elle a parlé de moi en très bons termes à une de ses amies de la danse, Eve, et que cette dernière serait intéressée également par un échange de services.   

Sa spécialité ? Access Consciousness Bars. Le principe ? C'est un genre de massage qui permet de déblayer des zones identifiées sur le crâne comme concentrant toutes les croyances limitantes que nous cumulons au fur et à mesure et qui empoisonnent notre pouvoir d'accueillir le meilleur de ce qui s'offre à nous. A cause de nos peurs, de nos inquiétudes, de nos préjugés, de nos erreurs d'appréciation...

Évidemment, ça me parle complètement. On a tous observé avec lucidité ces moments de nos vies où, par exemple, en broyant du noir et en ressassant du négatif, on tenait à distance la suite de notre vie, et notamment tout ce qui pouvait nous tirer vers le haut. 

Eve me parle également de ce bouquin dont j'avais déjà entendu parler lors du stage avec Justine, justement : Le Pouvoir du Moment Présent, d'Eckart Tollé. En substance, il y est dit que le moment présent n'est que joie pure et simple, que tout le reste est tourments issus du passé, préoccupation pour l'avenir, et confusion sur notre identité (nous ne sommes pas nos corps). 

Et surtout, Eve me partage son mantra : "All of life comes to me with ease, joy and glory". (Pas si évident à traduire mais ça signifie à peu près ceci : « Tout dans la vie vient à moi avec aisance, joie et gloire ».) Tout un programme. Mais pour ce faire, une présence intense est nécessaire, une posture d'accueil, d'écoute, de lâcher-prise, sont autant de conditions sine qua non à l'avènement du bon heur. 

Eve (comme Justine) fait partie de ces personnes qui ont largement contribué à intensifier ma conscience et à m'éveiller un peu plus. Eve, je te dédie cet article, avec toute mon affection. Et ma gratitude.  

Dimanche 11 décembre 2016

(Fin de l'épisode précédent où je suis en voiture avec un kiwi gentil comme tout qui va voir un couple d'amis sur la côte est ;-) )

Ce couple d'amis est d'ailleurs végétarien comme tous les membres de la communauté Krsna dont ils font également partie.
Ils habitent dans une grande maison pas trop loin de la ville (moins de 5km) et donc de la plage, mais pas trop près non plus ; ils ont un (très très) grand jardin dans lequel il y a pas mal de boulot. Ils sont musiciens. 
Et... Devinez quoi ?

"Oh and they sometimes need some wwoofeurs."

(Wwoof - WorldWide Opportunities  on Organic Farms = réseau mondial de fermes biologiques respectueuses de l'environnement, qui offrent le gîte et le couvert à des volontaires du monde entier en échange de 4 à 5h de travail par jour)

En moins d'une seconde, je sens ce qui va m'arriver : je vais demander à ce chauffeur s'il est envisageable de le suivre jusqu'à sa destination et d'être présentée à ses amis. Malgré cette requête impromptue et imprévue, je serai accueillie pour ce wwoofing. Je pourrai prendre le temps de me poser, de méditer, de me promener, de me rendre utile, de jardiner, de nettoyer, de cuisiner, de laver mon linge, et de me sentir à la maison pendant un petit moment. 

Et c'est exactement ce qui s'est passé. 

Arrivés sur le parking de la maison de la famille Dillon, je suis présentée à Doug par Ian, en toute simplicité. Je salue Doug, m'excuse pour l'intrusion, exprime en quelques mots mon intention et ma motivation, réponds que je suis flexible à la question de savoir combien de temps je peux rester. 

Doug réfléchit, regarde Ian, me regarde. "Ok."

Je suis folle de joie. 

Doug me fait pénétrer le jardin, puis la maison, et me présente. 

"Voici Meriel, qui vient d'Angleterre, Mark, qui vient d'Australie, Nadia, qui vient de la 2ème porte à droite dans le couloir." (Comprendre : sa fille !)
Personne n'a l'air surpris de me voir débarquer ainsi à l'improviste. 

Doug et Inger que je n'ai pas encore rencontrée ont déjà à la maison deux enfants de 16 et 13 ans, Kristian et Nadia, et un couple de wwoofeurs, Meriel et Mark, qui vivent dans un vieux bus scolaire totalement et génialement aménagé en petit appartement, jouxtant la maison. 

Nous traversons le jardin, un véritable Eden. Au fond, une petite caravane est installée, plus à l'écart. L'extérieur fait peur, l'intérieur est sale mais super bien aménagé : tout à droite quand on rentre, un lit une place occupe toute la largeur et est recouvert de draps et d'oreillers crassous. Tout à gauche, un genre de banquette composée de mousse jaunâtre. Entre les deux, un placard / dressing aux tiroirs poussiéreux avec en face un frigo et un bureau équipé d'une télé et d'une chaîne hifi...! 
Je ressens tout de suite l'envie de nettoyer, d'aménager et de m'installer, j'adore déjà cet endroit.  

On retourne à la cuisine. Doug me demande si j'ai mangé, ouvre le frigo, m'invite à me servir de tout ce que je veux. Et me déclare qu'aujourd'hui sera donc mon day off et que je peux en profiter pour aller explorer les environs, manger un morceau et profiter du jardin. "Bienvenue. Fais comme chez toi."

Merveilleux. 

Une jolie quarantenaire débarque. Grande, mince, les cheveux longs et teints, brune, une frange. Ce doit être Inger. Elle ne m'a jamais vue, n'a pas encore eu le temps d'entendre parler de moi. Je me présente en quelques mots. 
Sourire jusqu'aux oreilles, bras grands ouverts, Inger me prend dans ses bras : "WELCOME".
Je ne risque pas d'oublier ce moment, cette rencontre, cette personne. 

Après avoir mangé un morceau (le frigo déborde de plats et nourriture végétarienne), je m'attèle avec enthousiasme à l'aménagement de la caravane. Ca me prendra 2h mais que j'ai aimé y emménager !
Avant : poussière, toiles d'araignées, insectes, draps sales, vieux oreillers, étagères vides et sinistres, fenêtres opacifiées par la saleté. 
 Après : tout est nettoyé de fond en comble, y compris l'extérieur des fenêtres ; la vieille mousse de la banquette est désormais recouverte avec un dessus de lit fleuri et quelques coussins ; ça ressemble maintenant vraiment à un canapé. Il y a des draps propres sur le lit ; ça devient instantanément plus cosy ! Et puis je tombe sur un vase rempli de multiples coquillages et galets, alors je m'attèle à la décoration. Dernière touche : au-dessus de la porte, une photo d'Amma offerte par mon amie Eve, dont le visage resplendit. Le résultat est édifiant : ça y est, je me sens chez moi. Joie !

La semaine qui suivit, je fus ensevelie sous les cadeaux de la Vie. 

Inger est une personne si belle et gentille qu'on a envie de la chouchouter du matin au soir. Toujours à se soucier de moi, à essayer de savoir si j'ai besoin de quoi que ce soit, si j'ai besoin d'un lift pour aller en ville, si j'ai faim, si j'ai soif, si j'ai envie de faire une pause, de me détendre, d'un massage. Curieuse, bavarde, lançant volontiers des discussions. Exprimant sa gratitude pour les conseils et services rendus avec moult hugs et Namasté. 

Le soir de mon arrivée, Inger avait eu l'infinie délicatesse de déposer dans ma caravane une tablette de chocolat néo-zélandais et une bouteille d'eau pétillante. C'est-y pas trop cute ?

Doug est plus calme, posé. Aux dires de Inger, il est un excellent vendeur et il a en effet eu au moins un dizaine de business dans sa vie. Aujourd'hui, il vent principalement des glaces l'été dans un Van aménagé (avec les wwooffeurs), mais il vend aussi la machine à faire des glaces, pour les professionnels.  
Ils ont en commun la gentillesse, la générosité, l'intelligence et l'ouverture du cœur et de l'esprit (nous avons eu plusieurs discussions sur la spiritualité et sur Krisna), mais aussi... Un sens du bordel assez phénoménal. 

Parmi les tâches que j'ai accomplies pendant mon wwoofing : 

Outside : plantation d'une trentaine d'arbres fruitiers sur la butte dans le jardin. Désherbage. Étendage du linge. Rangement et nettoyage du jardin. 

Inside : cuisine pour toute la maisonnée, nettoyage de la cuisine, rangement de la cuisine, des placards, du frigo.

Avec Meriel, nous nous sommes également attelées au tri des placards et du frigo pour pouvoir nettoyer ces derniers. Entre le bordel innommable, les plats sales rangés dans les placards et les tiroirs ayant attiré moult insectes, les toiles d'araignées et bestioles dans les tupperwares, les sauces périmées depuis 2006 dans le frigo... On peut dire que ce coup de propre n'était pas superflu. 

Équipées d'une machine pour imprimer des étiquettes, nous avons même "labellisé" chaque étagère.  

Inger exprime une telle explosion de satisfaction pour chaque plat préparé, chaque coin de la maison rangé, chaque vaisselle rangée, que c'est un bonheur de participer. 

Nous devenons vite amies, elle est incroyablement joyeuse, partante pour tout, volontaire...  

Elle est très impressionnée par ma démarche du "less is beautiful" et du fait que je me sois allégée de centaines d'objets les 3 années précédant mon départ. 
Je lui raconte ma démarche, la façon dont je trie, la gestion des "intrants", les multiples dons... Inger décide de s'en inspirer sans tarder. 

"Is there anything you need?"

Euh... Eh bien, oui, il y a bien quelques trucs qui manquaient dans mon sac à dos. J'énumère ce qu'il me manque. Dans les jours qui ont suivi, Inger m'a offert un mini coupe-ongles (elle en avait 4 !), des mini pansements (sans doute "périmés" mais pas grave), un short, 3 débardeurs, 2 leggings, 1 paire de sandales ultra légères, 1 veste chaude, 1 adaptateur, 1 anti-démangeaisons...

Joyeux Noël Clairette <3

La semaine se passe entre tâches domestiques, écriture d'articles pour le blog quand il pleut, balades à vélo ou à pied dans les environs, allers-retours à la plage, moments "en famille", notamment avec Inger et Meriel, qui est une nénette gentille, smart et hyper drôle... 

Le weekend arrive vite, et les 2 jours de break avec ! Je décide d'en profiter pour aller un peu plus haut vers le nord de la péninsule rencontrer un couchsurfer qui vit dans une ferme et qui a l'air super gentil. 

Il s'appelle Alvin, il vit dans une ferme à la campagne avec sa petite fille en intermittence, il est ingénieur en environnement, ceinture noire d'aïkido, amoureux de nature et d'outside, musicien.... Oui, ça ressemble clairement à la check list basique du mec parfait. 

Il accueille déjà actuellement un couple d'allemands qui sont en train de faire le tour du monde avec leurs vélos : Elizabeth et Dario. 

Alvin m'indique que je peux arriver quand je veux vendredi, que je serai accueillie par Elizabeth et Dario car il rentrera après le boulot, que je peux "make yourself home". 

Meriel et Mark me déposent sur la route vers le nord avant d'aller à la plage, je suis prise sans difficulté par Toya, une quarantenaire super souriante qui sort du boulot (il est 15h), habite juste à côté, mais n'avait pas envie de me laisser sur le bas-côté. 
"I can wait 30 more minutes before coming back home, that's no problem."
Adorable. 

On fait route ensemble. Toya a 8 enfants de plusieurs pères différents. Elle fait l'école à la maison. Elle est chanteuse sur son temps libre. Elle connaît un peu le coin où vit Alvin car elle a un ami du nom d'Evan qui vit juste à côté. C'est marrant. Sans doute se connaissent-ils. Je demanderai à Alvin. En plus, il sont apparemment tous les deux musiciens donc il y a de fortes chances. 

Eh bien je ne croyais pas si bien dire. Au fur et à mesure de nos discussions (qui se prolongent car Google Maps avait indiqué la ferme sur le mauvais côté de la route), avalanche de coïncidences troublantes (âge : la trentaine ; situation familiale : petite fille ; métier : ingénieur...). On finit par comprendre avec Toya qu'Alvin et Evan sont en fait une seule et même personne... Et elle m'emmène donc directement chez.. Evan. 

Passé l'étonnement joyeux de ce "hasard", nous passons encore 30 bonnes minutes à discuter dans la cour de la ferme où Toya me fait notamment l'apologie d'Evan, un type "talentueux, adorable, généreux...". 
Elizabeth, qui nous a rejointes, approuve.

Toya partie, cette allemande de 25 ans blonde, sportive, mignonne comme tout, me fait faire le tour de la ferme. Immense. Magnifique. Clean. Neuve. Une cuisine complètement ouverte sur un salon spacieux qui donne sur une grande terrasse. Des grandes fenêtres partout qui donnent sur les collines, les champs de veaux et les oiseaux. 

Dans la salle de bain : que des produits bios. Dans la cuisine : que des produits bios. Dans le salon : des bouquins sur les marae (célébrations maoris) et sur la spiritualité, des magazines sur l'outside néo-zélandais, des romans. Sur le frigo : plein d'aimants sur des boutiques bios, sur le recyclage, et autres... 

Et enfin "ma" chambre. Rose de pied en cap. Pleine d'ailes de fées, de couronnes pailletées, de barbies... Lol.
Voilà la première et, à date, seule ombre au tableau de l'homme idéal : bouuuuh les jouets supra genrés !!

Elizabeth et Dario doivent aller en ville, m'abandonnent donc pour me laisser découvrir les alentours. 
Hop, je chausse les godasses appropriées pour l'exploration et fonce dehors pour grimper les collines environnantes au milieu des veaux mi-curieux mi-effrayés par mon mètre soixante quinze blond et bruyant (oui, je chante souvent à tue-tête quand je me balade en pleine pampa. Seule. Of course). 

Quand je retourne à la ferme, elle est toujours déserte. Je profite des derniers rayons du soleil sur le balcon, observant le chemin qui mène à la ferme et ne voyant toujours personne arriver. 

Il est 19h30. Alvin/Evan m'avait dit qu'il serait rentré pour 17h30. Seconde ombre au tableau : Monsieur n'est pas ponctuel ! A moins qu'il ne lui soit arrivé quelque chose ?

Pour patienter, je relis nos "lovely" échanges. Et sa description. Il est vraiment adorable. Il n'y a qu'une photo où on le voit de dos avec sa guitare. J'ai tellement hâte de voir sa trombine. 

Il est 20h. Il fait nuit maintenant. Toujours personne. Je me dis que ce retard est là pour quelque chose. Evan m'a dit de faire comme à la maison. Alors j'ouvre le frigo, les placards, et je me mets à cuisiner. 

Une heure plus tard, je viens de finir de mettre le couvert, le dîner est prêt, je n'ai plus rien à faire et... J'entends le bruit du portail. Dario et Elizabeth viennent de rentrer. Et une poignée de minutes plus tard, enfin... Evan.

(Suite au prochain épisode, c'est pas que j'adore vous faire languir, mais cet article fait quand même déjà 6 pages, faut pas déconner non plus...!)

Epilogue 

Le weekend a été formidable, au-delà de mes espérances. Je range une dernière fois la cuisine avant de partir, et là... Au milieu de tous les aimants écolos que j'avais remarqué dès mon arrivée, je lis la phrase suivante : 

"All of life comes to me with ease, joy and glory".